Élisabeth Le Port, institutrice à Saint-Christophe-sur-le-Nais. 14 mars 1943 – 14 mars 2023,   80 ans, un triste anniversaire.

En cette date anniversaire, j’ai décidé de rappeler qui était Élisabeth Le Port, cette jeune institutrice de la commune dont une rue porte le nom. Née le 9 avril 1919, elle a été nommée à l’école du village, en 1939 et titularisée le 1er janvier 1940. Elle adhère très tôt à l’Union des Étudiants Communiste, ce qui ne plait pas trop à ses parents. Ses contacts avec les membres du parti Communiste de Tours la font participer, dès le début de l’occupation nazie, à la composition, l’édition et la diffusion de tracts anti-allemands. Elle participe à la création du journal clandestin « La Lanterne ». Pour dupliquer les documents, elle utilise la pâte à  polycopier de sa classe et livre, à vélo à Tours le jeudi, les documents qu’elle détient pour leur diffusion.

Écoutons le témoignage de Madame Renée Baron, qui fut institutrice en même temps qu’Élisabeth, et que nous avons eu la chance de rencontrer dans l’école même, le 8 juin 2015.

« Lorsqu’en 1937 je suis sortie de l’Ecole Normale d'institutrices, je fus affectée à Saint-Christophe-sur-le-Nais.

J’étais célibataire. Ma directrice fut Madame Garnier. Mon père était chef de gare à Saint-Antoine-du-Rocher. Je fis la connaissance d’un de ses collègues qui devint mon mari en 1940.

À mon arrivé,e je fus logée dans un petit appartement à l’étage de l’école. J’y fus rejointe par Mademoiselle Élisabeth Le Port quelques temps plus tard.

En 1941, ma fille est née et Élisabeth me proposa d’échanger nos logements, le sien étant légèrement plus grand que le nôtre. Nous entretenions des liens professionnels et amicaux.

Les circonstances firent qu’Élisabeth s’impliqua dans la Résistance ; je ne pouvais la suivre ayant charge de famille. Toutefois je l’aidais comme je pouvais : la propagande qu’elle distribuait était parfois stockée chez moi.

Le 18 juin 1942 au matin, j’avais rendez-vous chez le coiffeur ; j’avais ma fille de un an avec moi.

Lorsque je suis revenue vers l’école, Madame Garnier m’a informée que les Allemands venaient d’emmener Élisabeth. Si j’étais en possession de pièces « compromettantes » il fallait agir vite. Je pus donc faire disparaître les tracts qui étaient en attente dans le foyer de ma cuisinière.

Malheureusement, Élisabeth n’est jamais revenue…

Si je n’avais pas été au coiffeur à ce moment, il est clair que j’aurais aussi été embarquée. »

Depuis le printemps de cette année 1942, Élisabeth donnait des cours particulier à une jeune fille de Vaas, Nicole. Ce qu’elle ignorait, c’est que cette Nicole était l’amie d’un officier de la Vermacht qui résidait aussi à Vaas. Des tracts se trouvaient dans les tiroirs de son bureau, ce que Nicole avait bien sûr remarqué. Aussi, le jeudi 18 juin, au matin, la Gestapo est arrivée et Élisabeth fut emmenée ainsi que quelques autres personnes de la commune. Lors de son interrogatoire à Tours, elle tint tête à la gestapo et fut internée à la prison de Romorantin en novembre 1942 où elle essayait de conditionner ses codétenues pour qu’elles gardent confiance comme elle-même qui, dans ses lettres à ses parents, leur demandait de ne pas s’inquiéter.

Le 24 janvier 1943, avec 230 femmes, elle fut conduite à Compiègne, où elles prirent le convoi qui les mena, dans un wagon à bestiaux, jusqu’à Auschwitz. Elle a réussi à jeter sur la voie ferrée un petit mot sur lequel était écrit : « Aujourd’hui, 24 janvier 1943, 230 femmes internées au camp de Compiègne sont déportées vers l’Allemagne en chantant } La Marseillaise~ , confiantes dans la victoire prochaine des alliés et de la libération de la France. » Un cheminot ayant trouvé ce papier portant l’adresse des parents d’Élisabeth, le leur a remis.

En février, elle est atteinte de dysenterie et ses forces diminuent. Ses compagnes l’aident de leur mieux pour cacher son état aux geôliers. Mais ses forces diminuent de plus en plus et le 14 mars, elle tombe et les gardes s’acharnent sur elle. Elle est conduite au revier (l’infirmerie)  où elle décède.

Ses parents seront convoqués à la Kommandantur de Tours en juin où on leur remettra un papier en date du 14 mai 1 943 annonçant le décès de leur fille.

L’image qui reste d’Élisabeth Le Port, c’est celle d’une jeune femme militante, n’ayant pas hésité à sacrifier sa vie pour faire passer ses idées et son refus de l’oppression. Elle était aussi un peu en avance sur son temps quant à la condition féminine. Voici une de ses réflexions : « Tout en approuvant en partie le rôle de la femme au foyer, je trouve que le rôle de la femme limité aux questions ménagères et familiales est une conception trop étroite de la vie. On doit pouvoir y ajouter autre chose.  J’espère que l’on pourra en discuter prochainement. »

 

Malheureusement, sa vie a été trop courte

Monique Royer pour son blog à l'occasion des 80 ans de la mort d'Elisabeth.

Plaque posée dans sa classe le 17 juin 1945.

Papier jeté sur la voie ferrée le 24 janvier 1943.

 

Madame Renée Baron, sa fille et M et Mme Le Port les neveux d'Elisabeth.