FULGENCE RAYMOND, le vétérinaire devenu l'éminent neurologue, successeur de Charcot

Sa maison natale vers 1920
Sa maison natale vers 1920

Fulgence Raymond naquit le 29 septembre 1844 dans une maison de St Christophe qui existe toujours, à deux pas de la Mairie ; elle porte une plaque rappelant l’événement.

 

Ses parents : Créon Raymond, un enfant déposé à l'Hospice de Tours le 12 mars 1814 et Justine Police, née à St Christophe le 27 septembre 1820 s'étaient mariés dans cette commune le 29 avril 1841. Ils étaient tisserands ou cultivateurs selon les sources ; mais certainement les deux, suivant les époques de l’année, et en tout cas de condition modeste.

 Le jeune Fulgence fit ses études primaires à St Christophe, dans l’école qui précéda le bâtiment actuel construit à la fin du 19e siècle. Son maître, Monsieur Barillet, disait de lui : " Il ira loin " et quelques années après son départ de l’école il aimait à le citer en exemple à ses jeunes élèves : " Travaillez mes enfants, faites comme Fulgence Raymond, parce que le travail mène à tout ".

En 1861, à 15 ans, il entreprend des études vétérinaires à l’École d’Alfort. Quatre ans plus tard, il sort premier de sa promotion et il est nommé officier vétérinaire dans un régiment de cavalerie puis à l’École de Saumur comme stagiaire.

En 1867, à 23 ans, après un concours, il revient à l’École d’Alfort comme chef des travaux d’anatomie et de physiologie.

Il put alors réaliser un rêve longtemps caressé : devenir médecin, comme ses illustres prédécesseurs tourangeaux, Bretonneau (1778-1862), Trousseau (1801-1867), et Velpeau né en 1795 dans le village voisin de Brèches et décédé cette même année 1867.

Marié, il prépare les deux baccalauréats ès lettres puis ès sciences. Le même jour lui apporte le bonheur d’être père d’une petite fille et nommé bachelier.

Le couple vit très modestement, presque dans la misère, Madame Raymond ne résiste pas à pareille vie et meurt phtisique.

Il continue la route commencée et, tout en s’occupant de sa fille, il est admis comme externe des hôpitaux en 1870. L’année suivante il est deuxième au concours de l’internat, élève de Vulpian et de Charcot. En 1875, il remporte la médaille d’or de l’internat, puis il est nommé chef de clinique en 1877, médecin des hôpitaux  l’année suivante et enfin agrégé en 1880.

Cette période de sa vie montre de quelle ténacité dans l’effort et de quel travail acharné était capable ce jeune père qui avait refait tous les soubassements de sa culture et franchi tous les obstacles des concours en gagnant sa vie et celle de sa fille grâce à des leçons et des soins dévoués aux clients que lui envoyaient ses chefs.

Il est tour à tour médecin à l’hospice des Incurables puis à Saint-Antoine en 1884, et à Lariboisière en 1890.

C’est le 25 août 1887 qu’il épousa en secondes noces Marie-Louise Lodoiska-Moreau.

En 1888, il est chargé d’une mission à l’effet d’étudier, dans les centres universitaires russes, les questions d’enseignement médical relatives aux maladies nerveuses.

Étant devenu un éminent spécialiste des maladies du système nerveux, en 1894, il remplace à la Chaire de la Clinique de  la Salpêtrière son ancien maître, le grand Charcot, qui vient de mourir.

 

De nombreuses distinctions viennent récompenser ce grand médecin ; en 1891 il est lauréat de l’Institut. L’Académie de médecine lui ouvre ses portes en 1899 et il devient Commandeur de la Légion d’honneur en 1909.

Raymond qui avait acquis les plus hauts titres de la carrière médicale resta toujours un modeste ; mais il éprouva très certainement, lui l’enfant de la terre tourangelle, une légitime fierté le jour où, à Oxford, il reçut le titre de docteur honoris causa de la plus vieille université du Royaume-Uni.

C’est en 1886 que Fulgence Raymond commença à payer par une affection diffuse, avec phlébite et endocardite, la dette de son surmenage. Une nouvelle crise d’endocardite due à une tare aortique obligea notre bon docteur à un repos de six mois en 1899.

Grand tâcheron qui travailla sans repos, c’est dans son métier de savant et de médecin, dans ses leçons et dans sa clientèle qu’il trouvait son plaisir. Il aimait aussi la chasse et la cigarette, qu’il n’abandonna jamais malgré les dangers qu’il savait.

 

Raymond (2e assis à partir de la droite). Florand (1er debout à partir de la droite)
Raymond (2e assis à partir de la droite). Florand (1er debout à partir de la droite)

Au début de 1910, les crises d’angine de poitrine devinrent fréquentes, malgré ces avertissements évidents, Fulgence Raymond accepta de faire partie du concours d’agrégation de l’année. Sa ténacité et son courage lui permirent de rester jusqu’à la fin de ce concours qui fut agité par de violentes polémiques, et c’est pâle, terreux et suffocant qu’il repartit se reposer dans son petit château de La Planche d’Andillé, à une douzaine de km au sud de Poitiers. Au début septembre, une crise d’œdème du poumon lui fit appeler son médecin, ami et élève Antoine Florand qui lui administra une piqûre de morphine dont l’effet fut très apprécié du malade. Quelques jours plus tard, après une partie de chasse, il fit une nouvelle crise, cette fois son médecin ne put rien et Fulgence Raymond s’éteignit le 28 septembre 1910, il aurait eu 66 ans le lendemain. Il fut inhumé au cimetière de Roches-Prémarie-Andillé dans une magnifique et grandiose chapelle que l'on peut toujours voir.

Le 6 juillet 1913, à la Salpêtrière, un premier hommage fut rendu au professeur Raymond ; un grand nombre de personnalités médicales et d’amis fidèles à la mémoire du grand neurologue assistèrent à l’inauguration d’un médaillon de bronze placé sur un mur de l’amphithéâtre où Raymond enseigna pendant seize ans (une réplique de ce médaillon fut offerte à la commune).

Le 5 octobre 1913, un nouvel hommage lui fut rendu dans son village natal de Saint Christophe. Ce fut Mme Raymond, sa veuve qui prit à sa charge tous les frais de cette grandiose cérémonie. 

 

La Dépêche, journal d'Indre & Loire, dans son édition du lendemain rapporta ainsi l’inauguration du monument érigé en l’honneur d’un des plus brillants citoyens de la commune.

 

M. Brossard, le maire, reçoit les personnalités
M. Brossard, le maire, reçoit les personnalités

"Aux Grands-Moulins, les arrivants étaient reçus par M. Brossard, l'aimable maire de la commune entouré de son conseil municipal et des membres du comité d'organisation…

A 10 heures et demie, la foule des invités étant présente, M. Brossard prononce une allocution de bienvenue.

"C'est avec un réel plaisir dit-il que je viens aujourd'hui au nom du Conseil Municipal et de la population de Saint Christophe souhaiter la bienvenue au premier magistrat de la République dans le département, à Madame Raymond et à sa famille, à MM le sénateur, députés, conseiller général, conseillers d'arrondissement, aux collègues et amis qui ont bien voulu venir au milieu de nous pour honorer la mémoire de notre ami commun, le savant et distingué professeur Raymond…"

Sous un ciel légèrement couvert - et qui d'ailleurs ne tarda pas à se mettre au beau - on se dirigea au son de pas redoublés entraînants et au milieu d'un important concours de population vers la mairie.

C'est à cet endroit en effet, qu'a été élevé le buste du professeur Raymond.

 

La conception très heureuse du monument est due à l'excellent sculpteur M. Bigot de Bourgueil ...

L'ensemble a fort grand air et le piédestal est entouré d'un parterre de fleurs rouges du plus gracieux effet.

De chaque côté du monument, se dressent deux mats surchargés de faisceaux de drapeaux et portant sur une banderole blanche ces mots en lettres dorées "Hommage à la science et à la bonté".

Le Professeur Raphaël Blanchard à la tribune
Le Professeur Raphaël Blanchard à la tribune

Une vaste tribune ornée de tentures grenat frangées d'or a été installée à proximité…

M. Blanchard monte à la tribune et déclare que c'est avec une vive émotion qu'il prend place à la tribune pour parler au nom de l'Académie de médecine dont il est le secrétaire.

"Raymond était un des membres les plus aimés, les plus éminents, les plus affectueux de l'Académie, car il avait une grande intelligence et un grand cœur. Il a laissé parmi ses collègues un souvenir inoubliable.

Fidèle à ses amitiés, ardent à la besogne, il était toujours un des premiers à introduire dans son service les dernières innovations scientifiques. Il a laissé autour de lui le plus grand vide.

Si, ajoute l'orateur, l'Académie m'a honoré de sa confiance en m'envoyant à cette fête c'est parce que moi aussi je suis de Saint Christophe.

Quand je suis entré à l'ancienne école primaire, qui a été remplacée par la mairie actuelle, Raymond venait de la quitter.

En terminant il félicite Mme Raymond de cette fête qui n'est pas seulement celle de son mari mais aussi celle de la Touraine et surtout de  Saint Christophe. Il souhaite que ce pays soit fertile en hommes semblables à celui qu'on célèbre en ce jour."

M. Brossard, le dévoué maire termine la série des allocutions."

 

Mme Raymond venant de déposer des fleurs au pied du monument
Mme Raymond venant de déposer des fleurs au pied du monument