Les pèlerinages à Saint-Christophe-sur-le-Nais

 

Peut-être y a-t-il, parmi les lecteurs, quelques personnes ayant assisté ou participé à l'un de ces pèlerinages d'antan qui drainaient, il y a 50 ou 60 ans, plusieurs milliers d'hommes, femmes et enfants vers ce village du Nord-Touraine, chaque avant-dernier dimanche de juillet.

Mais pourquoi un pèlerinage à Saint-Christophe-sur-le-Nais ?

Tout simplement parce que l'église paroissiale est dédiée à saint Christophe et ce, depuis plus de 9 siècles.

La vie de ce martyr est mal connue, mais c’est probablement durant la persécution de Dèce, en 250, que saint Christophe subit le martyre à Samon, ville dont on ignore l’emplacement, dans la province de Lycie, au sud-ouest de l’Asie Mineure. On sait qu’il était honoré dans cette région au Ve siècle. D’après la légende grecque, Christophe était un barbare anthropophage de la tribu des cynocéphales (hommes à tête de chien). Il se convertit au catholicisme et fut enrôlé dans l’armée impériale. Il refusa de renier sa religion et mourut dans d’effroyables tourments.

La légende occidentale est autre : Christophe, alors appelé Offerus, veut se mettre au service du roi le plus puissant. Quand il constate que ce roi craint Satan, il choisit ce nouveau maître. Mais quand il voit que Satan a peur du Christ, il l’abandonne pour celui qui surpassa toutes les créatures. Un ermite apprend à Offerus que le Christ apprécie les hommes d’après leur bonté pour leur prochain, il s’installe donc comme passeur auprès d’un fleuve. Une nuit, un petit enfant le requiert. Offerus le prend sur son épaule. Il avance dans l’eau, l’enfant devient de plus en plus lourd, si bien que le colosse, qui s’appuie sur son bâton, craint de s’écrouler. Sur l’autre rive, il avoue son étonnement : "Le monde entier ne serait pas plus lourd". L’enfant répond: "Tu as porté celui qui a créé le monde, désormais, tu t'appelleras Christophe " (c'est-à-dire porte-Christ). "Porte-Christ" (en grec, Christophoros).

 

Saint Christophe étant censé protéger, entre autre, de la mort subite devint le patron des voyageurs. La vue de son image, souvent gigantesque, était un gage de salut : "Regarde saint Christophe et va-t-en rassuré".

Statue du saint géant dans l'église de la commune
Statue du saint géant dans l'église de la commune

 

Le saint fut très populaire au Moyen Âge, et innombrables furent les images où il porte l’Enfant divin en s’appuyant sur son bâton. Quelquefois, mais rarement, on a donné au saint une tête de chien.

Les églises paroissiales dédiées à saint Christophe étant, en général, assez tardives, elles sont peu nombreuses dans notre région ; mais plus de 40 communes de France porte ce patronyme dans leur nom, souvent composé pour éviter les confusions.

Quand, au début du XXe siècle, les automobiles et autres engins à moteurs fort dangereux commencèrent à se répandre, on comprend que leurs utilisateurs eurent l'idée d'implorer saint Christophe pour les protéger de l'accident, donc de la mort subite. Pendant l'entre-deux-guerres, certaines communes dédiées à ce saint eurent l'idée de profiter de l'accroissement du nombre d'automobilistes pour instaurer des pèlerinages automobiles rassemblant conducteurs et curieux à une époque où le catholicisme avait encore une influence certaine auprès des masses.

Un des premiers et principaux foyers de son culte fut Saint-Christophe-le-Jajolet, village de l'Orne, près d'Argentan.

Pour Saint-Christophe qui ne se nommait pas encore officiellement "sur-le-Nais", ce fut le dimanche 24 juillet 1927 qu'eut lieu le premier pèlerinage automobile, avec gymkhana, organisé par le Comité des fêtes et du pèlerinage automobile, sous le patronage de l'Automobile Club de l'Ouest avec le concours de la musique municipale de St Christophe, de celle de Sonzay, de la Schola Cantorum St Odon et de la presse tourangelle.

Le programme en était :

10 h Grand'Messe chantée. 10 h 30 Défilé. 11 h Bénédiction des voitures.

14 h, à la Vrille, gymkana automobile, course aux barrières et course aux boîtes aux lettres ; pendant le gymkana, concert par la musique de Sonzay.

A la même heure, aux Grands Moulins, théâtre de verdure, concert par la musique de St Christophe, assauts d'épées et de sabres.

Fête champêtre, nombreuses attractions, bal, manèges, tirs, loteries …

La veille, à 21 h, retraite aux flambeaux, embrasement général.

L'édition de 1928 se déroula dans les prairies situées entre la rivière et la voie ferrée, la bénédiction des véhicules et la fête profane trouva là un lieu idéal qu'elle ne quittera pas tant que durera ce Comité organisateur.

La première page du programme de 1928
La première page du programme de 1928

 

Le 21 juillet 1929, pour la troisième édition, la presse de l'époque note la présence de 500 voitures et plus de 6000 personnes.

La procession passant sur la place Jehan d’Alluye en 1928
La procession passant sur la place Jehan d’Alluye en 1928

 

Jusqu'en 1939, le succès et le programme de la journée ne connaitront que peu de variations.

En 1940, il y eu un pèlerinage, mais pas de fête à cause de l'arrivée des Allemands.

En 1941, ce fut le 15e pèlerinage et 9e rallye avec seulement des vélos Ceci était complété par une course cycliste (le championnat du Vélo-sport). Le Comité décida de collaborer avec le Vélo-sport de St Christophe et le Groupe sportif St Paterne-St Christophe pour organiser une manifestation cycliste en faveur des prisonniers. Les deux années suivantes ne virent pas de changements notables dans l'organisation.

En 1944, la fête fut annulée à cause du départ des Allemands.

L'immédiat après-guerre vit les festivités reprendre peu à peu leur ampleur d'avant-guerre.

Le 22 juillet 1945, pour le rallye autos, motos, vélos, seulement 12 voitures étaient alignées sur la Place principale.

Le 20 juillet 1947, pour la 14e concentration touristique (ex rallye), gymkhana automobile et motocycliste et le 20e pèlerinage organisés par le Comité des fêtes et du pèlerinage automobile, 300 voitures et environ 50 motos étaient présentes. L'A.C.O. avait refusé son patronage en 1946 en raison des circonstances et du manque de carburant. Elle accepta de patronner la manifestation de 1947, mais signala que le mot rallye ne pouvait plus être employé pour des manifestations à caractère non sportif et que l'organisateur d'une manifestation automobile devait dorénavant contracter une assurance.

Prospectus de 1947
Prospectus de 1947

 

Le 24 juillet 1949, on comptait 400 voitures et environ 50 motos présentes. L'A.C.O. patronna la fête et accepta de publier un encart publicitaire dans son programme des 24 h, pour annoncer le pèlerinage. La Radiodiffusion française accepta de diffuser des communiqués concernant le pèlerinage.

Au cours des années 50 et 60 il n'y eu que peu de changement dans l'organisation avec, pendant la matinée, une messe chantée suivie d'une procession dans les rues et de la bénédiction des voitures rangées dans le pré, pendant que des automobilistes plus téméraires s'affrontaient dans un gymkhana ou un rallye sur les routes avoisinantes. L'après-midi était occupée par divers spectacles, attractions et jeux ; la journée se terminant par un grand bal sous chaumière.

Photo des années 50
Photo des années 50

 

Le succès populaire continua à récompenser des organisateurs très dynamiques qui n'hésitèrent pas à faire venir des fantaisistes de renommée nationale comme Jacques Bodoin ou Roger Nicolas ainsi que de grands orchestres comme celui de Jo Privat et l'ensemble de 30 personnes composant le Ballet Russe Irina Grjebina, en 1969.

 

Ces artistes avaient un coût, parfois trop élevé, pour le nombre de spectateurs qui commençait à diminuer ce qui obligea le Comité organisateur à réduire les frais de sorte que, petit à petit, le pèlerinage et la fête perdirent de leur importance.

Le 24 juillet 1977, le programme des festivités annonce : 50e pèlerinage automobile organisé par le Comité des fêtes et du pèlerinage automobile, avec la participation des musiques de Sonzay et de St Christophe. Après-midi, spectacle de variétés (7 numéros de music-hall et les majorettes de Villedomer). Bal (samedi et dimanche) avec l'orchestre Jack Marcel.

La procession en 1977
La procession en 1977

 

L'année suivante, en 1978, le Comité des fêtes et du pèlerinage cesse ses activités. La fête profane se réduit à un bal, le dimanche 23 juillet, avec l'orchestre Jack Marcel. La procession et la bénédiction des véhicules a cependant encore lieu dans le pré.

La bénédiction des voitures en 1978
La bénédiction des voitures en 1978

 

Au long des deux décennies suivantes, la saint Christophe demeura exclusivement une fête religieuse avec messe et bénédiction des véhicules et de leur conducteur sur le parvis de l'église ou dans une rue voisine.  

La bénédiction des motos en 1995
La bénédiction des motos en 1995

 

En 2001, la nouvelle équipe du Comité des fêtes relança le pèlerinage automobile en essayant de l'adapter à notre époque. Il y avait toujours une messe, une procession derrière les reliques et la bénédiction des conducteurs et de leur véhicule, le matin.  

En 2003
En 2003

 

Le midi un repas champêtre rassemble de nombreux convives sous un chapiteau. L'après-midi est réservée à une fête profane avec course cycliste, animation musicale et présence de véhicules anciens.

Exposition de véhicules anciens
Exposition de véhicules anciens

 

Le succès devint très moyen et, en 2006, faute de prêtre, il n'y eut ni messe, ni procession, ni bénédiction, donc pas de pèlerinage proprement dit.

Depuis, plus de pèlerinage.

 

Un petit film relatant un pèlerinage vers le milieu des années 50, et non en 1945 comme indiqué (les 4 CV, 203, Frégate n’existaient pas en 1945), est visible sur le site suivant :

 

http://memoire.ciclic.fr/1079-pelerinage-de-saint-christophe