De Madeleine Labbé (St Christophe 1725-1795) à Daphné du Maurier (Londres 1907-1989)

Acte de naissance de Madeleine Labbé
Acte de naissance de Madeleine Labbé

Le 18 septembre 1747, Madeleine Labbé, née le 27 juillet 1725, à Saint Christophe, épousait, dans notre église, Mathurin Busson, né le 9 décembre 1720, à Coudrecieux (Sarthe). 160 ans plus tard, Daphné Busson du Maurier voyait le jour à Londres ; celle-ci se rendit célèbre en publiant une trentaine de romans et nouvelles qui connurent un immense succès et firent d'elle l'une des plus grandes romancières britanniques.

Voilà pourquoi Saint-Christophe-sur-le-Nais se devait de consacrer une rue et fêter, en 2007, le centenaire de cette descendante de la christophorienne Madeleine Labbé.

De Madeleine à Daphné il y eut six générations de Busson ; voici leur histoire.

Mathurin Busson fit certainement son apprentissage de souffleur de verre à la verrerie de la Pierre située dans sa commune natale de Coudrecieux et qui fut créée en 1734, alors qu'il avait à peine 14 ans. On le retrouve par la suite commis, en 1742, à la verrerie de Vaujours sur la commune de Château-la-Vallière, puis, en 1747, directeur des verreries de Chérigny, toutes proches d'ici, sur la commune de Chenu.

Après leur mariage, Mathurin et  Madeleine, allèrent s'installer au lieu-dit le Maurier, à quelques pas de la verrerie et du château de Chérigny.

Madeleine donna naissance à huit ou neuf enfants dont six devinrent adultes.

Mathurin Busson mourut à 59 ans, lors d'un voyage à Paris, le 8 juin 1780, d’un vomissement de sang auquel il était sujet par suite d’une chute de cheval. 

Son épouse s'éteignit le 26 octobre 1795 alors qu'elle se trouvait dans sa maison de l'Antinière, à Saint-Christophe, alors appelé Valriant.

C'est l'histoire de ce couple et de ses six enfants que retrace Daphné du Maurier dans son roman autobiographique "Les souffleurs de verre" publié en 1963, en Grande-Bretagne, puis traduit en français l'année suivante.

 

Dans cet ouvrage, Daphné du Maurier nous brosse une fresque de la vie de certains de ses ancêtres, artisans verriers lors de la seconde moitié du 18e siècle. Elle y décrit, en particulier, le comportement de ces gens au moment de la Révolution française, à l'occasion de la Grande Peur et du conflit opposant la Vendée à la République.

Nous y retrouvons donc de nombreux renseignements sur la vie de Mathurin Busson et de son épouse, Madeleine Labbé, puis sur celle de leurs enfants qui épousèrent la cause révolutionnaire à l'exception de l'aîné, Mathurin-Robert Busson,  qui émigra en Angleterre en 1789.

Ce Mathurin-Robert naquit en 1749, à Chenu, dans la ferme du Maurier où habitaient ses parents. Il fut maître verrier et graveur sur cristal.

Il épousa en premières noces une fort jolie Parisienne qui lui apporta cent mille francs en dot.  Il prit la verrerie de Rougemont, dans le Loir-et-Cher. Il y fit de folles dépenses et mangea la dot de sa femme en onze mois de temps.

Il quitta cette verrerie et vint à Paris où il persuada M Canette, Banquier de la Cour, qu’il y aurait beaucoup d’avantages à établir une verrerie dans cette capitale.  Une verrerie à sept fours fut aussitôt établie rue des Boulets, quartier St Antoine.  M Canette fournit les fonds.  Mathurin-Robert en fut le régisseur, mais le banquier fut ruiné en peu de temps et renonça à cette entreprise.

Mathurin-Robert put trouver alors un M Cagnon et lui conseilla d’établir sous sa direction une petite verrerie à la Râpée.  Ce dernier ne fut pas plus heureux que M Canette.  Plus tard, Mathurin-Robert monta un superbe magasin de cristaux Rue St Honoré.  C’est là qu’il perdit sa femme qui mourut à la suite de ses couches. 

Il épousa en secondes noces Marie Bruère, en mai 1789. En septembre ou octobre de la même année, suivant l'exemple de certains de ses amis, il émigra en Angleterre, laissant son fils, Jacques-Mathurin, né en 1780 d'un premier mariage, en 1777, avec Catherine, Adèle Fiat, dans sa famille maternelle. S'il quitta son pays ce fut moins par idéologie que pour une situation financière très préoccupante qui risquait de le conduire en prison pour un bon moment car contrairement à son père et à ses frères qui étaient sérieux et travailleurs, Mathurin-Robert pensait plus aux plaisirs qu'au travail et il se lança dans plusieurs entreprises hasardeuses qui se terminèrent en faillites.

Dans son nouveau pays, il fréquenta le milieu des émigrés et décida de se faire appeler Busson du Maurier, prenant ainsi le nom du lieu-dit où il était né, à Chenu. Les six enfants de son deuxième mariage naquirent tous en Angleterre.

En 1802, profitant d'une trêve, il revint en France en laissant à Londres femme et enfants. Sur le bateau, il échangea ses papiers contre ceux d'un passager décédé au cours de la traversée. Sa famille fut donc avertie de son décès, alors qu'il était bien vivant et visitait sa famille, en France. La guerre étant à nouveau déclarée entre la France et l'Angleterre, il ne put retourner à Londres ni correspondre avec sa famille. Il fonda alors une maison d'éducation à Tours et c'est là qu'il mourut, en octobre 1811.

Sa femme et ses enfants ne le revirent jamais et ne connurent pas la véritable histoire de Mathurin-Robert qui leur avait raconté qu'il était noble et possédait un château en Sarthe. C'est ainsi que ses descendants imaginèrent leur ancêtre français jusqu'à ce que Daphné du Maurier vienne dans notre région, pour apprendre la vérité sur ses ascendants français.

Mathurin-Robert, l'émigré, raconta à son entourage qu'il était le fils d'aristocrates angevins et qu'il possédait dans cette province un château. C'est ce que crurent ses descendants et notamment son petit-fils Georges du Maurier, le grand-père de Daphné qui publia en 1891, "Peter Ibbetson" un livre dont le héros est un fils d'aristocrates angevins, contraint à l'exil outre Manche, par la Révolution.

Mais, quand Daphné voulut écrire "Les souffleurs de verre" cette version n'était plus crédible et elle entreprit des recherches plus approfondies. Elle fit faire plusieurs enquêtes par des collaborateurs et se déplaça dans notre région.

Lors de ce voyage, Daphné du Maurier séjourna quelques jours à Saint-Christophe-sur-le-Nais, à l'hôtel des Glycines que tenait, à cette époque Melle Marguerite Verrier qui, à la suite de ce séjour, entretint une correspondance avec la romancière britannique.

De son deuxième mariage avec Marie - Françoise Bruère, il naquit 6 enfants dont : Louis - Mathurin Busson du Maurier né à Londres, en 1797. Ce dernier était un original, inventeur impénitent, toujours entre deux découvertes qui devaient révolutionner l'époque et lui apporter la fortune, mais qui ne trouvaient jamais preneurs ; il vécut quelque temps à Paris. C'est là, à l'ambassade de Grande-Bretagne, qu'il épousa, en 1831, Ellen-Jocelyn Clarke.

Cette dernière était la fille naturelle, née en 1797, de la célèbre et scandaleuse Anne-Mary Clarke, maîtresse du duc d'York qui, manœuvrée par des politiciens sans scrupules, dut s'exiler en France tout en conservant une pension versée par la Couronne britannique. Daphné du Maurier écrivit, en 1954, Mary Anne, un roman consacré à l'incroyable destin de cette femme libre et décidée à tout pour sortir de la misère de son enfance, à la fin du 18e siècle.

Louis-Mathurin mourut à Londres, en 1856, alors que son épouse vécut jusqu'en 1870.

En 1834, alors qu'ils habitaient Paris, Louis et Ellen eurent un fils, George - Louis - Palmella - Busson du Maurier.

George du Maurier devint célèbre et riche grâce à ses talents de dessinateur qui lui permirent de devenir l'illustrateur du journal satirique anglais Punch, mais aussi à la suite de la parution de ses deux romans à succès : Trilby et Peter Ibbetson.

Il épousa Emma Wightwick qui lui donna un fils, Gerald - Hubert - Edward Busson du Maurier, né en 1873.

George mourut en 1896.

Gerald du Maurier fut un célèbre acteur et metteur en scène de théâtre anglais. Sa fille lui consacra un roman tout simplement intitulé Gerald. Ce dernier fut anobli et décéda en 1934.

Il eut trois filles dont Daphné Busson du Maurier qui naquit à Londres, en 1907.

En 1932, elle épousa le major Browning, officier de marine qui entra dans l'histoire de la seconde guerre mondiale comme commandant des troupes aéroportées britanniques, il occupa ensuite les postes de chef d'état-major de Lord Mountbatten puis de trésorier du duc d'Édimbourg.

Daphné du Maurier commença sa carrière littéraire en 1931 pour la terminer dans les années 1970, après avoir écrit une trentaine d'œuvres dont les plus connues sont : L'Auberge de la Jamaïque, Rebecca, Le Général du Roi, Ma Cousine Rachel, Mary Anne, La fortune de Sir Julius Levy, Les Oiseaux, Le vol du Faucon, Les Souffleurs de verre, Pas après minuit …

Certaines furent adaptées au cinéma et connurent un réel succès comme "Les Oiseaux" mis en scène par Alfred Hitchcock.

Elle mourut en 1989, à Londres.

 

 

Lionel Royer Association " Histoire & Patrimoine de Saint-Christophe-sur-le-Nais "